27 sept. The Nose Top

Publié le par Christof

Le jour se lèvera plus tard que nous cette fois. Plus que sept longueurs.

Nous partons vers huit heure, encore tard quand même.

Nous refaisons les valises, un coup de balais sur la vire, d'éponge sur la table.

Un dernier tour aux toilettes aussi, un grand moment. J'ai des hauts le coeur, comme hier, c'est limite, mais je contrôle. Pourtant la boite est pleine, et il faut  tasser avec les doigts pour y faire de la place. Ca passe, le nez dans ma polaire, je respire par la bouche.

Eric range ses affaires, le plus loin possible de moi, au bout de la vire. Je le rejoins, le rassure, j'ai survécu à l'épreuve. Qu'en sera-t-il de lui?

D'ailleurs c'est à son tour. Je plie mon duvet, le hamac, prends une bol de café. "Bon courage Eric, pour moi c'est fini!" pensais-je. Et puis je sens cette  odeur de merde diffusée par la légère brise matinale. Un haut le coeur, beaucoup trop haut. J'ai à peine le temps de me retourner, qu'un panache de gouttelettes dorées s'echappent par ma bouche. Le café se fait la malle. Les gouttes les plus chanceuses s'accrochent au Haulbag, les autres jumpent jusqu'à la base d'El Cap. "C'était magnifique, cette voie acqueuse, reflétant le soleil levant! " me dira Eric.

Fin du chapître.

En parlant de Jump, hier et avant hier soir, nous avons entendu et vu passer des Base-Jumpers.

La nuit tombait, deux types aussi, depuis cinq cent mètres, déchirant le silence, presque le mur du son. Le premier ouvrit son parachute. Le second, percuta le parachute ouvert. Je l'ai vu s'enfoncer dans la toile, puis comme rebondir: il venait d'ouvrir le sien. Y'a du spectacle ici, jamais le temps de s'ennuyer. Ils allaient se poser sur El Capitan Meadow, la prairie entre El Cap et Middle Cathedral.

Je démarre ce matin dans Glowering Spot. 5.12d ou C1  en échauffement, je n'hésite pas et choisi le C1 sur mes confortables échelles. Une fissure dans la parois, proche d'un  dièdre. Mais comment fait-on pour poser ses doigts dans cette fissure? elle est minuscule au départ, s'élargie ensuite puis il faut rattraper celle du dièdre qui devient praticable, enfin. Le relais est  confortable, sur une petite vire triangulaire.

 DSC04420 On distingue la fissure et les protections qui se déplacent dans le dièdre, et mon pied dangereusement posé prés du rebord de la vire


à droite, Eric encore à Camp5., en train de faire la poussière sur le haulbag
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Au dessus de moi, L26 dans un dièdre déversant.

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Il me rejoint pour repartir dans L26. Toujours en dièdre, fissure beaucoup plus large entre 5.11b et 5.7 sur la fin, il mixte escalade libre et artif.

 

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Je remonte me rapproche d'Eric qui hisse le Haulbag.

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Camp6 enfin. La longueur suivante m'inquiète, c'est Changing Corner. C'est ici que l'autre jour un type s'est cassé les deux jambes. Mais pas de trace de sang sur la vire, comme on nous l'avait dit.

Camp6 c'est l'endroit le plus sale de la voie. Déjà, l'odeur. Heureusement que l'on n'a pas bivoiaqué là, c'est suffoquant.

J'exagère, mais ça sent vraiment fort.

La vire est pourtant large et confortable. Elle est parcourue par une large fissure. C'est le musée de la voie. Elle a dû recevoir et conserver tous les déchets depuis l'ouverture de la voie.

Putain, que les gens sont sales et irrespectueux. Les grimpeurs ne valent pas mieux que les autres. Plus prés de la nature, trop loin des poubelles!

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Au dessus de moi, Changing Corner. Ca commence par une fissure facile à plus dure qui traverse une dalle pleines de gros knobs, de 5.8 à 5.10d. Belle escalade entre deux fissures qui se rejoignent pour former une ogive.  Fin du libre, fin de l'enchainement.  A ma droite une dalle et le fameux Changing Corner. De la fissure, j'atteins une plaquette. Comme indiqué sur le topos, ça traverse ici. Il y a trois points au dessus pour une variante en 5.11 A0 qui permet d'atteindre plus haut la fissure en 5.9 jusqu'au relais.

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On n'a pas fait le King Swing, on ne va pas passer à coté de toute la voie. Je pars me mettre la pression dans ce dièdre ouvert à 90°, sans aucune prise si ce n'est la fissure encore trop grosse pour mon petit doigt, ou bien l'arête vive, à 90° aussi. De toute façon, il n'y a aucun pieds, c'est lisse, presque un miroir. Je n'essais même pas un pas en libre dans cette partie, à 800m du sol.

 

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Je place un point assez long sur la plaquette, une echelle, crochette l'arête avec le talon pour pouvoir basculer dans le dièdre et placer un premier micro coinceur dans la fissure qui finalement est à peine plus large qu'une allumette. Je pénètre dans le dièdre sur mon echelle, place un autre micro,  l'autre échelle. Le point tient. Là je me dis que le type a plutôt dû tomber ici, pour s'écraser dans le dièdre à gauche en pendulant sur la plaquette.

Je redoute que ça m'arrive et demande de la vigilance à Eric et une corde trés molle.

Je progesse lentement, plaçant d'autres micro coinceurs, offset achetés pour cette occasion (trés bon achat). Un point lâche alors que je me repose dessus: je descend d'un étage. Tout va bien je repars, lentement, redescent récupérer quelques points, remonte et repars. Mais comment un être humain peut-il grimper en libre ce passage? là, j'admire la performance de Line Hill.

Enfin la fissure s'élargie. Je place quelques freinds, de bons points, quelques pas en libre et j'atteins R27.

 

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Eric remonte, le sac ne va pas tarder à le dépasser.

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Détail de la photo précédente,
zoom sur la corde délicatement posée sur l'arête en angle droit.
 

 

 

 

La base du Nose dans le prolongement du Changing Corner

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Relais suspendu à cheval sur une fine et esthétique fissure rectiligne dans un mur d'une pure verticalité.

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Eric poursuit  dans L28 enchainant la section 5.10d.

 

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Hissage du haulbag

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DSC04471 Je prend le relais sur la longueur suivante, enchaine jusqu'à la fin de l'alcôve ou je bute sur un pas, marque un petit repos et enchaine finalement pour atteindre R29.

 

Eric me rejoint,

la nuit tombe.

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Et c'est de nuit, à la frontale qu'il enchaine L30, courte longueur de 20m en 5.10c.

 

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Frigorifié, fatigué, les mains douloureuses, j'ai hâte de sortir. Dernière longueur du Nose, tout en A0 sur une échelle de 23 ou 26 spits, j'arrive et me rétablis sur la dalle, continue sans rien placer jusqu'au relais plus haut à gauche avec un tirage épouvantable.

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Nous communiquons difficilement, c'est venté, Eric est 45m plus bas sous un dévers. Je m'endors, je grelotte. Enfin, Eric comprend que le relais est installé, il libère le sac. Je le hisse péniblement, il se coince quelques fois. Eric remonte, le décoince, repart. Je m'active un peu plus, ça me réveille et me réchauffe. Le sac apparait enfin, Eric aussi. Nous y somme arrivé! Restent encore 20 mètres jusqu'au pin sur un terrain en pente, c'est presque plat.

Là nous y sommes vraiment, au sommet du Nose. Un cri de joie pour la forme, "Congratulation Eric", "congratulation Christophe" et chaude poignée de main. Il est 23h, nous sommes épuisés, et curieusement, nous ne tenons pas debout, plus de 3 pas. Nous laissons là les cordes en vrac, enlevons nos baudriers et les kilos de matos accrochés.

Nous avions prévu des nouilles chinoises en repas de secours, nous les avalons, affamés et bivouaquons au pieds des buissons qui nous protègent un peu du vent glacial.

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